Parcours de Drs Alumni: 60 minutes avec Armand Valsesia
Mon conseil ? Cultivez la curiosité, et ne vous cantonnez pas à des cours techniques ou dans votre zone de confort. Des formations sur la communication scientifique, l’organisation du travail et les brevets sont utiles pour la carrière future.
Date de naissance: le 8 octobre 1981.
Date de la soutenance de thèse: avril 2011.
Titre de la thèse: Computational and statistical analysis of copy number variants in normal and cancer genomes.
Directeur de thèse: Prof Victor Jongeneel & Prof Sven Bergmann (co-directeur).
Poste actuel: Project lead at Nestlé Institute of Health Sciences.
Drs Alumni Network: Parlez-nous de vos études en biologie ?
Armand Valsesia: La biologie est la matière où j’étais le plus fort au lycée; cela m’a donné l’envie d’approfondir mes connaissances dans le domaine de la biologie cellulaire et moléculaire à l’Université de Bordeaux. A l’époque, la bio-informatique était un domaine qui émergeait. Cela m’a parlé, car j’y trouvais de l’analyse appliquée à de la biologie moléculaire. C’était l’année de la réforme universitaire européenne avec l’apparition des masters, j’ai donc choisi cette filière-là, que j’ai complété avec des stages, à l’Institut européen de bio-informatique et au sein d’un institut britannique de recherche, le Sanger.
Le doctorat était une option. Pourquoi avoir voulu en effectuer un ?
En réalité, à la fin de mon master, je ne désirais pas poursuivre avec une thèse de doctorat. Mon diplôme m’a permis de travailler en tant qu’ingénieur bio-informatique à l’EBI (European Bioinformatics Institute, ndlr), et ensuite en tant qu’ingénieur de recherche au Sanger. Ces expériences m’ont donné l’envie de mener une étude plus pointue, et j’ai senti que le PhD était une formation qui me manquait. C’est donc deux ans après que je me suis mis en quête d’un laboratoire en Europe. Deux sujets de thèse à l’UNIL m’intéressaient particulièrement: l’un sur le thème de l’oncologie, avec le Prof. Victor Jongeneel (co- fondateur du SIB, l’Institut suisse de bio-informatique), et l’autre dans le domaine de la génétique médicale, avec le Prof. Sven Bergmann. J’ai finalement opté pour le premier. A mon arrivée à l’UNIL, Victor m’a annoncé qu’il avait accepté des responsabilités à Chypre, en tant que directeur d’un nouvel institut de recherche. Afin d’assurer le suivi de ma thèse entre ses déplacements Lausanne-Nicosie, celui-ci m’a annoncé que mon co-directeur de thèse serait Sven. J’ai donc mené ma thèse sur les deux sujets qui m’intéressaient! Ce fut une période plutôt intense, mais j’ai tellement appris que je ferais à nouveau le même choix.
Pourriez-vous nous parler de ce que vous avez réalisé en parallèle à vos études ?
Au niveau associatif, j’étais très impliqué à l’université, que ce soit en France (j’étais le président de l’association des étudiants en bio-informatique), et à Lausanne (j’étais un membre actif de l’ADAS, l’association des doctorants et assistants de la FBM). C’était très enrichissant de comprendre le fonctionnent universitaire, et surtout, cela m’a permis de rencontrer des gens d’autres horizons. Tout au long de mes études, j’ai occupé divers emplois alimentaires et effectué des stages pendant les vacances. Par exemple, pendant ma première année universitaire, je suis parti au Kosovo. Initialement, je voulais réaliser ce stage dans les ONG « Doctors of the World » ou « Pharmaciens Sans Frontières », qui sont en lien avec la médicine. Mais c’était en 1999, juste après le conflit du Kosovo. Ma sécurité ne pouvait donc pas être garantie sur place. Les conditions se sont un peu améliorées, et je suis finalement parti avec l’ONG « Atlas Logistique » en charge de la livraison de matériel de construction, scolaire et de médicaments. J’ai aussi effectué d’autres stages « plus classiques », en laboratoire, en biologie moléculaire à Swansea (échange ERASMUS) et en neuroscience à Bordeaux.
Pendant vos études à l’UNIL, quels étaient les services ou formations en place en matière de développement professionnel ?
Je trouve justement que l’offre est bonne, que ce soit l’UNIL, la CUSO (Conférence universitaire de Suisse occidentale, ndlr), le SIB ou l’EPFL. Les douze crédits à valider pendant la thèse sont, à mon sens, un avantage pour tous les doctorants. J’ai suivi plusieurs cours en dehors de ma spécialité, pour justement approcher d’autres champs de la bioinformatique. Je trouve que l’UNIL propose beaucoup de formations « soft skills ». Je garde en tête un atelier que j’avais particulièrement apprécié, sur l’importance de la voix lors des présentations, qui était animé par une cantatrice, et du cours de scientific writing, indispensable à une carrière de scientifique. Je regrette d’ailleurs ne pas avoir pris part à d’autres enseignements, comme par exemple, celui sur le thème l’enseignement universitaire ou ceux axés business.
Vous êtes maintenant Project lead au Nestlé Institute of Health Sciences. Pourquoi ce choix ?
Je n’ai pas vraiment choisi, c’est arrivé un peu par hasard. Mon parcours a été déterminant pour que je devienne un project leader. A la fin de ma thèse, j’ai travaillé chez Merck Serono, dans le domaine des essais cliniques allant des phases I à IV, et c’est justement cette expérience-là qui m’a permis d’être embauché par Nestlé. J’ai ensuite eu l’occasion de faire mes preuves dans différentes activités; et mon chef de département m’a confié la direction de projets plus ambitieux.
Faites-nous découvrir votre métier !
Ma mission est celle d’intégrer les connaissances en biologie computationnelle dans le domaine du diabète et de l’obésité. Je conduis l’une des plus grandes études d’intervention, DiOGenes; il s’agit d’un ancien projet européen, dont l’objectif est de comprendre les dynamiques de perte de poids chez des patients obèses afin de prédire les résultats cliniques: par exemple, quels seraient les patients obèses ayant le plus de chance de bénéficier de l’intervention clinique. Dans ce contexte, il n’est pas juste important de perdre du poids, mais aussi de diminuer d’autres facteurs de risque, comme par exemple les maladies cardiovasculaires et le diabète. Mon rôle est donc de définir la stratégie du projet, de superviser les analyses des différentes données ‘omiques’ et cliniques, ainsi que de coordonner les analyses. Je suis aussi responsable de définir avec l’équipe les prochaines étapes en lien avec l’interprétation des résultats. Notre but n’est pas seulement de pouvoir prédire la réponse à l’intervention, mais aussi de générer de nouvelles hypothèses qui pourraient personnaliser les traitements, et de mieux aider les patients.
Parlez-nous de votre motivation…
C’est la découverte, le fait d’apprendre des choses tous les jours. J’ai la chance de pouvoir travailler avec des experts dans différents domaines (génomique, lipidomique, physiologie, métabolisme, analyse de données, IT…) ; j’interagis au quotidien avec mes collègues de Nestlé, mes collaborateurs académiques et des consultants externes. De plus, j’ai la chance de travailler sur des données assez uniques, qui me permettent de formuler et de tester de nouvelles hypothèses.
A votre avis, quelles sont les compétences nécessaires pour mener à bien une telle mission ?
Je dirais l’organisation, c’est-à-dire arriver à classer les tâches par ordre de priorité. Les compétences techniques sont bien sûr importantes, mais ne suffisent pas. Par exemple, confronté à un problème, il faut être capable d’identifier une solution parmi plusieurs, et de l’implémenter rapidement; il n’est pas souhaitable de passer des semaines à tester toutes les solutions possibles. Un autre aspect est la communication. Nous travaillons avec des personnes qui ne sont pas des scientifiques; je pense aux avocats, à des gestionnaires de contrats, et à des personnes plus orientées business. Il est donc très important de vulgariser ses propos, en mettant en avant l’élément qui a un intérêt pour l’interlocuteur, sans se perdre dans les détails.
Pensez-vous que d’autres institutions sont à la recherche de profils comme le vôtre ?
Je l’espère ! On pourrait qualifier mon profil de data scientist. Il est relativement versatile, et, par conséquent, extrêmement recherché dans le domaine de la médecine personnalisée, plutôt au sein d’un contexte industriel, qu’universitaire ou institutionnel. J’ai également développé d’autres compétences, comme par exemple la gestion de projet qui s’applique à beaucoup d’autres carrières.
Justement, en quoi votre doctorat vous a-t-il aidé ?
Le doctorat a été un énorme plus! Quand j’ai commencé ma thèse, je ne pensais pas en apprendre autant. J’ai réalisé que l’on pense parfois connaître son sujet… mais qu’il reste en fait tellement à découvrir ! En discutant avec des scientifiques ayant plus de vingt ans de recherche derrière eux, j’ai pris conscience qu’il y a toujours un savoir à acquérir, qu’il soit scientifique, technique, ou au niveau des soft skills. D’ailleurs, mes premières présentations étaient vraiment catastrophiques. Avec plus de 50 slides, je me perdais dans les détails. Le doctorat m’a appris à aller à l’essentiel. C’est cela qui me permet de gérer une grande charge de travail, de manière organisée, sur une durée de travail limitée.
Que conseilleriez-vous à un étudiant PhD en matière de développement?
En premier lieu : ne pas faire un plan sur dix ans, mais plutôt anticiper la direction que l’on veut prendre sur deux ou trois ans. Il est avant tout fondamental de se poser les bonnes questions assez tôt, car il y a des choix de vie derrière. Il est aussi important de ne pas chercher la solution de facilité en disant : « Je prolonge ma thèse d’une année. », ou encore, « Je débute un post-doc dans un rayon de trois km, car j’ai peur de voyager.». Le deuxième aspect, c’est d’être ouvert. J’ai le regret de ne pas avoir suivi suffisamment de cours pendant mon PhD. On est parfois trop stressé à cause de la pression, de la charge de travail ou de l’envie de publier. Peut-être qu’on ne sort pas assez de sa zone de confort ou d’expertise, ce qui est à mon sens dommage. S’adapter à d’autres situations, nous permet d’éventuellement partir dans une autre direction. Mon conseil ? Cultivez la curiosité, et ne vous cantonnez pas à des cours techniques ou dans votre zone de confort. Des formations sur la communication scientifique, l’organisation du travail et les brevets sont utiles pour la future carrière. Dans cette profession, il est essentiel d’apprendre à vulgariser son travail.
Quelles sont les personnes qui ont marqué votre parcours professionnel ?
Il y en a vraiment beaucoup ! Mes directeurs de thèse évidemment, mais aussi toutes les personnes que j’ai rencontrées au sein des laboratoires. Je pense notamment à Merck, où j’ai obtenu une place de rêve. Je sortais à peine de la thèse, et je suis tombé sur une équipe de cinq personnes, avec vingt ans de pharma derrière elles, et qui détenaient toutes des PhD et des expériences post-doctorales. J’ai trouvé cela génial, le fait d’arriver au sein d’un groupe où il n’y avait pas de compétition, avec des tâches claires et des managers qui planifiaient tout à l’avance. Je me rappelle de ma première semaine, deux de mes collègues Marc et Alessandro m’ont dit « Tu ne connais pas ce langage de programmation, ce n’est pas grave. On va te mettre le pied à l’étrier, et dans deux semaines tu seras prêt. ». L’ambiance était épanouissante, on apprenait les uns des autres; je ne les remercierai jamais suffisamment, car ce sont eux qui m’ont aidé à grandir.
Cultivez-vous un hobby ?
J’ai un peu moins de temps pour les hobbies maintenant (Armand Valsesia vient de devenir papa, ndlr.). Mon grand hobby est la gastronomie et son partage ; je suis un grand passionné de cuisine, j’adore inviter des amis. J’aime également aller au restaurant et goûter différentes spécialités. La découverte de vins provenant du monde entier est une autre de mes passions.
Quel est votre lieu préféré à l’UNIL ?
J’apprécie énormément le Génopode, et ai eu le temps de voir passer les saisons… Je regrette ne pas avoir pris une photo à chaque fois que je rentrais dans le bâtiment, avec la vue sur les montagnes et le lac. J’aurais pu faire un magnifique reportage des quatre saisons!
Quel est le cours donné à l’UNIL auquel vous souhaiteriez retourner demain ?
J’ai bien aimé les cours de Damian Conway, professeur d’informatique, qui a développé un langage de programmation. En réalité, il est un showman. Régulièrement sur invitation du SIB, il donne un cours technique au sujet de la manière de présenter. Il commence avec une fausse prise d’aïkido entre lui et une personne du public, montre des actions apparemment improvisées et à la fin du cours, révèle que tout ce qu’il a montré était une mise en scène planifiée. Et que donc, il est nécessaire de bien réfléchir à la manière de présenter pour capter l’attention du public et transmettre ses idées. A chaque fois que je fais une présentation, je repense à ses conseils!
Article : Milena Metzger & Laura De Santis.
Une publication de l’Ecole doctorale de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL.