Lors de la prochaine soirée des alumni de l’Ecole doctorale FBM, la Pre Pascale Vonaesch donnera une conférence sur le thème du microbiote et de son rôle pour la santé. En amont de cet événement, la microbiologiste de l’UNIL a eu la gentillesse de répondre à nos questions, afin de donner à nos alumni une première petite idée de ce qu’il·elle·s auront à se mettre sous la dent !
Qu’est-ce qui vous a amené à vous concentrer sur le microbiote, et quel aspect de ce dernier vous intéresse particulièrement?
Je me suis intéressée à la microbiologie depuis le gymnase, où j’avais dû présenter une profession et avais fait une interview avec une microbiologiste clinique. Son parcours m’a interpellée et j’ai donc suivi un chemin similaire en étudiant les interactions hôte-pathogènes. Très vite, j’ai été exposée au microbiote et interpellée par son rôle dans la colonisation par des (entero)pathogènes et pour notre santé. J’ai été fascinée par la complexité de sa composition, par la façon dont il intègre les influences provenant de notre nourriture et de notre environnement, et par son interaction avec nous en tant qu’hôte. Je me suis donc assez naturellement tournée vers ce sujet quand j’ai cherché un postdoc et ne me suis pas lassée depuis !
Lors d’interactions avec les médias, avez-vous remarqué certaines idées reçues ou une question particulièrement récurrente concernant le microbiote?
J’ai pu constater un grand intérêt du public concernant le microbiote, et particulièrement pour la façon dont on peut soi-même changer et optimiser ce dernier, du moins le public l’espère. Ceci est en effet un grand enjeu scientifique et médical, mais on est encore loin de pouvoir offrir des recommandations spécifiques et personnalisées outre le fait de manger varié et d’avoir un mode de vie sain en général.
Parmi les différents projets que vous avez menés, y en a-t-il un qui vous a particulièrement marqué, aussi bien d’un point de vue scientifique qu’humain?
Le projet qui a été un vrai déclencheur dans ma carrière est sans doute le projet Afribiota. J’ai mis en place ce projet lors de mon séjour postdoctoral à l’Institut Pasteur en collaboration avec les Instituts Pasteurs à Madagascar et en Centrafrique. Le projet visait à élucider la pathophysiologie sous-jacente au retard de croissance et était le premier projet clinique que je menais, constituant donc un vrai apprentissage. Le projet était une très belle aventure, aussi bien humainement que scientifiquement parlant. Le fait de travailler étroitement avec des collègues du monde entier et les populations sur place a été une expérience très enrichissante pour moi. Les découvertes que nous avons faites ensemble sur le rôle du microbiote dans le retard de croissance, et notamment la surcroissance bactérienne dans l’intestin grêle, représentent une étape clé dans ma carrière scientifique et m’auront ouvert les portes de la recherche que nous faisons à présent avec mon groupe à l’UNIL.
Aujourd’hui, quels sont les challenges et les objectifs principaux de vos recherches?
Nous souhaitons étudier le rôle du microbiote dans des maladies liées à la nutrition, telle que la sous-nutrition, la surnutrition (obésité), ainsi que le double fardeau de la malnutrition, caractérisée par un état de sous-nutrition tôt dans la vie et du syndrome métabolique à l’âge adulte. Nous utilisons dans le laboratoire une approche itérative entre des études observatrices cliniques, des études utilisant des modèles tels que les souris, et des analyses poussées en étudiant des bactéries isolées du microbiote humain. Cette diversité de méthodes est parfois difficile, mais elle nous permet d’étudier le lien entre microbiote et maladies rattachées à la nutrition dans le milieu le plus important, c’est-à-dire l’être humain, tout en utilisant les observations du laboratoire pour répondre aux questions de causalité et élucider les mécanismes à travers des modèles contrôlés.
Quelles seraient les personnes particulièrement impactées par ces recherches?
Notre recherche vise surtout à étudier les maladies qui affectent les enfants dans les pays à faible revenu, notamment la sous-nutrition maternelle et infantile et son effet sur la susceptibilité à développer un syndrome métabolique à plus long terme. À travers le monde, un enfant de moins de cinq ans sur quatre est aujourd’hui affecté par un retard de croissance, avec une prévalence pouvant atteindre 40% dans certaines régions telles que l’Afrique subsaharienne.
Comment le microbiote peut-il nous faire reconsidérer notre alimentation?
Les recherches des dernières décennies ont clairement démontré que notre alimentation affecte fortement la composition de notre microbiote. En effet, une alimentation mal équilibrée et pauvre en fibres induit un appauvrissement de la complexité du microbiote intestinal, avec des effets néfastes pour notre santé. Ces communautés bactériennes appauvries sont associées à des maladies non-transmissibles et à une augmentation de la susceptibilité à des maladies infectieuses telles que des enteropathogènes (salmonellose, entre autres). Des mécanismes similaires ont aussi été trouvés avec des aliments hautement raffinés. Il est donc crucial d’avoir une alimentation saine et équilibrée afin d’avoir un microbiote intestinal en bonne santé.
La place importante de l’analyse et du stockage de selles dans l’étude du microbiote peut surprendre le grand public. Pensez-vous que cet aspect soit néfaste à la promotion de ce domaine, ou qu’il lui confère au contraire un côté «insolite» bénéfique?
Le Microbiota Vault a en effet suscité beaucoup d’intérêt de la part des médias. Je ne pense pas que le fait de parler de selles soit néfaste, mais plutôt bénéfique, car la «simplicité» du matériel analysé permet à tout le monde se retrouver dans la discussion et, tout naturellement, à s’intéresser à ce qui se passe au sein de notre intestin.
Quels seront les thèmes principaux de votre conférence lors de la soirée alumni?
Ma conférence vise à introduire le monde fascinant du microbiote humain, à exposer son rôle pour la santé et les maladies, et à démontrer les outils disponibles afin de «jouer» avec sa composition et améliorer notre santé. Je vais démontrer que notre mode de vie industrialisé mène à un microbiote plus pauvre que celui de populations plus traditionnelles, ce qui représente un risque pour notre santé à long terme. Finalement, je vais présenter le Microbiota Vault, une initiative internationale visant à conserver le microbiote humain global pour des générations futures et à contrebalancer cette perte de diversité dont nous sommes actuellement témoins.
Et pour finir, un petit fun fact lié au microbiote, ou autre chose que vous souhaiteriez mentionner?
Lors de mon séjour postdoctoral à l’Institut Pasteur, un envoi très précieux de matière fécale de l’étude Afribiota nous est parvenu tard le soir. L’agent de sécurité m’a aidée à réceptionner et à acheminer l’énorme paquet au laboratoire et, au bout d’une demi-heure, m’a demandé ce que le paquet contenait de si précieux. Je n’oublierai jamais son expression lorsqu’il a appris que le paquet était rempli de selles ayant voyagé à travers le monde, et que ces dernières puissent être traitées avec autant de soin !
Pour en découvrir plus, rendez-vous sur le site du Vonaesch Lab!